Frais d’entretien d’immeuble : la « pratique Dumont » (vraiment) abolie

Le législateur avait abrogé la pratique Dumont en 2010 en admettant expressément la déduction, au titre de frais d’entretien, des « frais de remise en état d’immeubles acquis récemment » (art. 32 al. 2 LIFD). Le Tribunal fédéral avait cependant partiellement fait revivre cette pratique – dans l’esprit en tout cas – en adoptant une approche économique pour confirmer des refus de déduction de travaux de rénovations qui, par leur ampleur, équivalaient économiquement à une nouvelle construction (« wirtschaftlicher Neubau »). Le Tribunal fédéral vient d’opérer un revirement de jurisprudence (9C_677/2021 du 23 février 2023, destiné à la publication): dans le cas d’un couple qui avait acquis une ferme devant être rénovée de fond en comble et à qui le fisc, suivi par les instances judiciaires cantonales, avait refusé la déduction des frais de rénovation au motif qu’ils s’apparentaient à une nouvelle construction, le Tribunal fédéral s’est écarté de sa jurisprudence et a, pour l’essentiel, admis le recours des contribuables: il a finalement considéré qu’il était contraire à la volonté du législateur d’adopter une appréciation économique globale d’un projet de rénovation pour refuser la déduction de frais qui, considérés individuellement et objectivement, sont bien des frais visant à maintenir (et non à augmenter) la valeur d’un bâtiment ; il a donc renvoyé la cause à l’instance inférieure pour examen des frais invoqués par les contribuables.

A quoi dois-je porter une attention particulière en cas de vente de mon immeuble portant une dette-hypothécaire ou lors de la résiliation anticipée de celle-ci ?

En cas de vente de son immeuble portant une dette-hypothécaire à terme fixe, sans reprise du contrat hypothécaire aux mêmes conditions par le repreneur du bien, il est commun pour les banques de prélever une indemnité pour rupture anticipée du contrat. Une telle situation pouvait générer des implications fiscales différents par le passé en fonction du canton de situation du bien, notamment s’agissant de la déduction de l’indemnité.

Pour vous permettre de réaliser les conséquences en la matière, harmonisées depuis fin 2019 au travers d’une décision du Tribunal Fédéral, voici nos conseils fiscaux relatifs aux opérations immobilières concernées.

1. Régime fiscal jusqu’en 2019

Jusqu’à fin 2019, les cantons étaient relativement libres dans la qualification de la « pénalité » due aux banques au titre de rupture anticipée du contrat. Les autorités fiscales cantonales pouvaient donc (i) soit considérer cette charge de dépense non-déductible, (ii) soit considérer qu’il s’agissait d’une impense, déductible au titre de l’impôt sur le gain immobilier, (iii) soit accepter la déduction de la charge du revenu imposable du vendeur en tant qu’intérêt passif.

2. Régime fiscal depuis 2019

Depuis la décision du 16.12.2019 rendue par le Tribunal fédéral (2C_1009/2019), les principes dans ce domaine sont désormais les suivants:

  • En cas de résiliation anticipée, conjointement avec la conclusion d’un nouveau contrat auprès du même établissement de financement, et sans que l’immeuble ne soit cédé, la pénalité est déductible du revenu imposable au titre d’intérêt passif.
  • Lors de la résiliation anticipée, conjointement avec la conclusion d’un nouveau contrat auprès d’un autre établissement de financement, la charge n’est pas déductible du revenu, car il s’agit d’une indemnisation. Il en va en principe de même en cas d’amortissement anticipé de l’hypothèque sans reprise d’une nouvelle dette.
  • Finalement, lorsque la résiliation intervient conjointement avec la vente de l’immeuble, la pénalité est considérée comme une impense, et donc déductible au titre de l’impôt sur le gain immobilier.

3. Recommandation du spécialiste fiscal

Sachant les coûts importants que les indemnités pour rupture anticipée du contrat-hypothécaire à terme fixe peuvent engendrer de manière indirecte, que ce soit dans le cadre de la vente de son immeuble ou lors de la conclusion d’un nouveau contrat, il est fortement recommandé pour le vendeur de s’approcher de son spécialiste fiscal pour rechercher au préalable des conseils fiscaux relatifs aux opérations immobilières en question.

La structuration fiscale de l’acquisition d’un bien immobilier de placement en Suisse: acquisition en nom propre ou au travers d’une société immobilière ?

1. Introduction

Une interrogation qui survient lors de chaque projet d’acquisition immobilière concerne la structuration optimale de la transaction sur le plan fiscal. L’objectif de la présente contribution est d’informer tout investisseur potentiel des principaux éléments de comparaison utiles pour déterminer, d’un point de vue fiscal, l’option la mieux adaptée à sa situation personnelle. A titre d’exemple, nous considérons ici la situation d’une personne physique résidente dans le Canton de Genève, imposée au rôle ordinaire. 

2. Régime fiscal lors de l’acquisition d’un bien immobilier genevois

A Genève, l’achat en nom propre ou par une société immobilière entraine le prélèvement d’un droit de mutation au taux d’environ 3.3%, alors que l’acquisition au travers d’un achat d’actions d’une société immobilière n’est en principe pas soumise au droit de mutation.

3. Régime fiscal durant la détention immobilière

Un propriétaire en nom propre se voit imposé sur les rendements locatifs nets au titre de l’impôt sur le revenu au taux maximum d’environ 45% à Genève. Un impôt sur la fortune nette au taux maximum d’environ 1% est aussi prélevé. Finalement, l’impôt immobilier complémentaire est dû au taux de 0.1% sur la valeur brute de l’immeuble.

Une société immobilière genevoise est imposée sur son bénéfice net au taux effectif d’environ 14%. La société est aussi soumise à l’impôt sur le capital sur ses fonds propres au taux d’environ 0.4% (fonds propres minimum entre 20% et 30%). Au niveau d’une société immobilière, l’impôt immobilier complémentaire est prélevé au taux de 0.2%. La distribution des profits réalisés par la société est soumise à une retenue à la source de 35%. Cette retenue est cependant créditée contre l’impôt sur le revenu s’agissant d’un actionnaire résidant en Suisse, qui est prélevé au taux maximum de 31.5% si la participation est détenue à raison de 10% au moins, le solde étant remboursé par le fisc.

4. Régime fiscal lié à la vente immobilière

La vente d’un bien immobilier détenu en nom propre entraîne un impôt sur les bénéfices et gains immobiliers, dont le taux est dégressif en fonction de la durée de détention du bien immobilier, se situant entre 50% (moins de 2 ans) et 0% (après 25 ans). Au niveau fédéral, un tel gain est exempté.

Une vente de l’immeuble par la société immobilière entraine un impôt sur le bénéfice au taux effectif d’environ 14%. Une éventuelle moins value constitue une charge fiscalement déductible. Les profits nets distribués par la société sont soumis à l’impôt anticipé, récupérable s’agissant d’un résident suisse, et entrainent une imposition pour les contribuables genevois d’environ 31.5%. 

La vente des actions d’une société immobilière par un individu est analysée en transparence, et qualifie donc de vente d’immeuble à Genève. La plus-value sera donc imposée à un taux dégressif entre 50% et 0%. Pour éviter une telle qualification de vente immobilière en transparence, il peut être utile de structurer la détention immobilière au travers d’une détention de la société immobilière par une autre personne morale. Selon la pratique courante applicable dans le Canton de Genève, le gain réalisé sur la vente des parts d’une société immobilière par une personne morale est qualifié de gain sur un actif mobilier, et donc alloué fiscalement à l’actionnaire. Auprès de cette entité, ce gain bénéficie, si elle est suisse, de l’exemption de participations.

5. Conclusion

Sur la base des explications ci-dessus, il résulte que l’acquisition d’un bien immobilier genevois au travers d’une société suisse, détenue à son tour par une société holding permet en principe une optimisation fiscale non-négligeable, surtout s’agissant d’un éventuel gain en capital. De surcroit, une telle structuration permet de retarder l’essentiel de la fiscalisation des revenus jusqu’à leur distribution à l’actionnaire ultime. Toutefois, la vente des actions d’une société immobilière peut s’avérer plus difficile en pratique du fait que le repreneur des actions reprend potentiellement une charge fiscale latente sur la plus value latente de l’immeuble.

Il vaut donc la peine de procéder à une analyse détaillée préalablement à tout investissement, qui pourra résulter dans un résultat différent selon la situation particulière liée à chaque investisseur.

Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct

Suite à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2020 de la modification de l’article 32 al. 2, 2bis et 4 de la Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) et de l’art. 9 al. 3, 3bis de la Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) et des lois cantonales correspondantes, les propriétaires d’immeubles privés peuvent désormais déduire de leurs revenus imposables les dépenses liées à la démolition en vue de la construction d’un bâtiment de remplacement. De plus, ces frais de démolition ainsi que les frais d’investissement destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement peuvent être reportés sur les deux périodes fiscales suivantes, s’ils ne peuvent pas être entièrement pris en considération sur le plan fiscal pour l’année pendant laquelle ils ont été engagés.