Le Conseil fédéral a publié son Message concernant l’Initiative populaire déposée par la Jeunesse socialiste visant l’imposition des successions d’une valeur de plus de CHF 50 millions ouvertes en Suisse à un taux de 50 % (dite « Initiative pour la protection du climat »). Il y précise qu’aucune « exit tax » ne frappera les individus qui quittent la Suisse postérieurement à la votation, mais avant que la loi d’application ne soit adoptée.
L’Initiative populaire « pour la protection du climat » a fait couler beaucoup d’encre au cours des ces derniers mois et ne manquera pas de continuer à le faire en 2025. Elle vise à taxer à un taux de 50 % les successions ouvertes en Suisse, après application d’une franchise de CHF 50 millions.
L’une des questions centrales consiste à savoir si en cas d’acceptation du texte par le peuple, une « exit tax » pourrait s’appliquer à toute personne quittant la Suisse dès le jour de la votation (comme le demande la Jeunesse socialiste), qui serait prélevée sur la base d’une Ordonnance devant être publié par le Conseil fédéral (CF), avant même que le Parlement n’adopte la loi concrétisant l’Initiative.
Vendredi 13 décembre 2024, le CF a publié son Message relatif à l’Initiative. Comme attendu, il propose de rejeter l’Initiative. Il met notamment en exergue les retombées fiscales catastrophiques qu’aurait cette Initiative pour la Suisse, étant attendu que plus de 85 % des personnes concernées par l’imposition à plus de 50 % quittent la Suisse en cas d’acceptation du texte. Cela signifie concrètement que les rentrées d’argent découlant de l’application de l’Initiative seraient annihilées par les lourdes pertes que ces départs causeraient en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune.
Dans son Message, le CF affirme qu’il n’est pas question de prélever une « exit tax » en cas de départ de la Suisse consécutivement à la votation. Un simple départ de Suisse ne serait selon le CF pas susceptible de constituer un cas de soustraction fiscale qualifiée justifiant de prélever un impôt de départ. Pour qu’un impôt puisse frapper une personne quittant la Suisse, il faudrait a minima que cette dernière fasse une donation importante peu de temps après son départ. Le CF évoque une donation dans un délai maximal de 5 ans, tout en relevant que, même dans un tel cas, la Suisse ne serait selon toute vraisemblance juridiquement pas en mesure de prélever l’impôt auprès d’un désormais résident étranger (faute de compétence pour faire directement exécuter son éventuelle créance fiscale l’étranger et de l’existence de conventions lui permettant de faire exécuter la créance par l’autorité étrangère).
Cette prise de position du CF est bienvenue, car elle signifie qu’en cas d’acceptation de l’Initiative un individu risquant de tomber sous le coup de cette initiative aurait le temps d’envisager un éventuel départ à l’étranger avant que la loi d’application n’entre en force. La position exprimée par le CF peut être considérée comme offrant des garanties solides. Ceci dans la mesure où la promulgation de l’Ordonnance d’application serait de sa seule compétence, et qu’ainsi seul un changement diamétral de position de ce même Conseil fédéral pourrait avoir pour conséquence qu’une « exit tax » serait malgré tout prélevée.
À noter toutefois que ces modalités d’application n’offrent pas de protection dans le scénario dans lequel une personne concernée par l’impôt devait décéder entre l’adoption du texte par le peuple suisse et l’adoption de la loi d’application par la Parlement.
Enfin, dans son Message, le CF relève que, contrairement à certains avis exprimés jusqu’ici, l’Initiative n’est pas inconstitutionnelle, ce qui semble a priori exclure qu’elle soit invalidée par le Parlement. L’on peut donc s’attendre à ce que le peuple suisse soit déjà appelé à se prononcer sur le texte lors des votations qui auront lieu le 30 novembre 2025.